L’innovation est souvent associée aux nouveautés technologiques dans les entreprises privées. Cependant, dans le champ des recherches en sciences humaines, son sens est beaucoup plus large. En réalité, l’innovation traite des jeux d’acteurs collectifs en faveur ou en défaveur d’un changement. Elle peut concerner la création d’un serious game, d’une start-up ou même l’usage de l’anthropologie dans les processus d’innovation en entreprise. Les dimensions de l’innovation sont multiples et vont bien au-delà des simples nouveautés technologiques.
Les processus d’innovation suivent un itinéraire non linéaire et complexe. Ils sont le résultat d’ajustements permanents et invisibles pour les approches statistiques. De plus, les innovations sont souvent déclenchées par des événements ou des crises multiples, qu’elles soient climatiques, sanitaires, économiques, militaires, logistiques ou sociales. Ces crises génèrent des conflits et des contraintes matérielles, sociales et symboliques qui influencent les jeux des acteurs collectifs.
Dans le domaine de la santé, par exemple, l’acceptation d’une application téléphonique destinée à améliorer le traitement des rhumatismes inflammatoires chroniques a été analysée par le sociologue Guillaume Montagu. Il a montré que les patients ne suivaient pas l’application non pas par irrationalité, mais parce que leurs objectifs de soulagement de la douleur étaient différents de ceux des médecins.
Cette étude démontre qu’il n’existe pas de lien automatique entre la qualité scientifique d’une innovation et son acceptation par les utilisateurs.
Certaines innovations sont imposées, comme les masques et les vaccins lors de la crise sanitaire de 2020. Sous contrainte de sécurité et de survie, ces innovations peuvent être légitimées, tout en soulevant des questions politiques et de conflits.
D’autre part, l’échec d’une start-up qui avait réussi à toucher de nombreux contributeurs grâce au financement participatif a été analysé. Malgré ce succès initial, la finalisation du produit a rencontré des problèmes logistiques et culturels qui ont découragé une partie des clients. Cette étude montre les contraintes d’apprentissage et les erreurs de perception qui peuvent peser sur une innovation.
Pour réussir une innovation, il est essentiel de comprendre les contraintes matérielles, logistiques, énergétiques et culturelles qui lui sont liées. Par exemple, l’acceptation des fenêtres PVC fabriquées en Pologne et en Roumanie en France a été rendue difficile en raison de problèmes logistiques et de différences culturelles. De même, la mise en place de la voiture électrique est confrontée à des problèmes d’infrastructures de recharge et à des enjeux sociaux et environnementaux.
Travailler sur les innovations, c’est travailler sur le changement et les processus qui le déclenchent. Cela ne se limite pas aux innovations technologiques, mais englobe également les changements sociaux, politiques et culturels. La transition écologique exige non seulement une vision du changement, mais aussi une compréhension des logiques sociales invisibles qui organisent le milieu dans lequel le changement s’opère.
En conclusion, l’innovation est une révolution aux multiples dimensions. Elle ne se limite pas aux nouveautés technologiques, cependant englobe les processus de changement dans différents domaines. Comprendre les contraintes et les logiques sociales qui influencent ces processus est essentiel pour réussir une innovation. La transition écologique demande une réflexion approfondie sur les enjeux politiques, techniques et sociaux de l’innovation afin de garantir une gouvernabilité durable.